Saturday, April 27, 2024

Hkheil hnalm / The Vanishing Soldier


Dani Rosenberg: / החייל הנעלם / Hkheil hnalm / The Vanishing Soldier (IL 2023) with Ido Tako (Shlomi Aharinov).

החייל הנעלם / Le Déserteur
    IL 2023. PC: Israel Film Fund / United Channel Movies. Production  Avraham Pirchi, Chilik Michaeli, Moshe Edery, Leon Edery, Itamar Pirchi
    LISTE TECHNIQUE
Réalisation  Dani Rosenberg
Scénario  Dani Rosenberg, Amir Kliger
Image  David Stragmeister
Décors  Ben-Zion Porat
Costumes  Ofri Barel
Musique originale  Yuval Semo
Son  Neal Gibbs
Mixage  Michael Stoliar
Montage  Nili Feller
    LISTE ARTISTIQUE
Shlomi Aharinov / Ido Tako
Shiri / Mika Reiss
Rachel Aharinov, Mère de Shlomi / Efrat Ben Zur  
Grand-mère de Shlomi / Tiki Dayan
Père de Shlomi / Shmulik Cohen
    Fiction / 1h38 / VO : Hébreu / Couleur / 2.35 / 5.1 / RCA 161.321
    Festival premiere: 5 Aug 2023 Locarno
    Sortie en France : 24 avril 2024 - Dulac Distribution, sous-titres francais : Malkiel Itzhaky
    Viewed at Arlequin, Salle 1, 76 rue de Rennes, Paris 75006, samedi le 27 avril 2024

IMDb : " Eighteen-year-old Israeli soldier flees back to his girlfriend in Tel Aviv only to discover that the military elite is convinced he was kidnapped in the fog of war. "

Dulac Distribution : " Shlomi, un soldat israélien de dix-huit ans, fuit le champ de bataille pour rejoindre sa petite ami:e à Tel-Aviv. Errant dans une ville à la fois paranoïaque et insouciante, il finit par découvrir que l’armée, à sa recherche, est convaincue qu’il a été kidnappé… Un voyage haletant, une ode à une jeunesse qui se bat contre des idéaux qui ne sont pas les siens. "

AA: Twenty-four hours in the life of a deserter from the war front in Gaza, shot and premiered before 7 October 2023.

A chase story, and even more than from Tsahal, Shlomi is on the run from himself. From the destruction on the front he wants to return home, but there is no home. The food at his home is rotten. His father is in a hospital after a stroke. His mother breaks down in tears when she learns about Shlomi's desertion. Shiri is his girlfriend more in imagination than reality. The most sympathetic is the grandmother who has dementia. Shlomi's desperate attempt to fall in love has dramatic consequences.

Life during wartime, on the eve of destruction. Gaza is in ruins, and Tel Aviv is one big party - with its jubilant street scene and happy beach with French tourists like from Les Vacances de M. Hulot. People are living in a militarist and nationalist dream like there is no tomorrow.

Shlomo runs, speeds on a bicycle, drives in borrowed or stolen cars, in an increasingly self-destructive way, until he considers suicide. The film evokes amok, but Shlomo is not a mad killer, on the contrary. There are some affinities with Nadav Lapid's Synonymes (IL 2019).

There is a Nouvelle Vague ambience (À bout de souffle), but The Vanishing Soldier is more profoundly disturbing. There is a disconnect between wartime reality and Tel Aviv illusion. Something has been broken, to the point of honest communication turning impossible.

Shot on location in Tel Aviv and Qulansawe (an Israeli Arabic village near the West Bank) and against digital backgrounds (the destroyed Palestinian village).

The tense free jazz score was composed by Yuval Semo, and the drumming was performed live while the film was running. The grandmother's theme is a song by the wonderful Argentinian Mercedes Sosa.

Davud Stragmeister has conducted the cinematography in scope, largely in long tracking shots of Shlomo on the run. There are also sensitive close-ups and extreme close-ups. 

BEYOND THE JUMP BREAK: DOSSIER DE PRESSE:
BEYOND THE JUMP BREAK: DOSSIER DE PRESSE:

ENTRETIEN AVEC DANI ROSENBERG

Qu’est-ce qui vous a amené à faire ce film ? Dans quelle mesure s’agit-il d’une œuvre autobiographique ?

Shlomi, le héros du Déserteur, est l’incarnation parfaite de mes sentiments par rapport à mon pays. Il 
réagit exactement de la manière dont je réagirais, moi, si j’avais du courage. Cette anomalie de la vie 
israélienne et de ma génération - la volonté de fuir à tout prix notre existence sanglante - a guidé mon 
projet dès le départ. Je me suis rendu compte qu’en essayant d’écrire quelque chose sur l’amour, j’ai fini par parler de la solitude. Je voulais évoquer une relation entre un jeune homme et une jeune femme, mais la violence a pris le dessus. Shlomi veut tourner le dos à la vie militaire pour trouver refuge à 
Tel-Aviv, mais la réalité finit par le rattraper jusqu’à l’engloutir. Tel-Aviv est considérée comme une ville européenne, une «bulle» de normalité dans le chaos du Proche-Orient, mais c’est une illusion. Je voulais faire sentir que derrière l’hédonisme de cette ville, dernière cette boulimie du quotidien, se cache une grande angoisse, comme si l’on était conscient de vivre dans un organisme déjà en train de pourrir.

Le Déserteur a été tourné bien avant le 7 octobre et la guerre à Gaza. Il me semble qu’après ce séisme, il prend une nouvelle dimension. Dans quel sens à votre avis ?

Parfois on écrit comme une Shéhérazade qui raconte ses histoires pour retarder l’arrivée de la fin, pour 
éloigner la mort. Ou comme un enfant qui, dès la tombée de la nuit, se met à chanter pour lui-même 
pour chasser la peur. J’ai écrit le film pour me confronter à cette réalité refoulée de l’occupation et 
celle du fanatisme religieux qui ne cesse de gagner du terrain en Israël et en Palestine. Et tout cela 
vient effectivement de nous exploser à la figure. La nuit du 7 octobre, j’étais au festival de Busan en 
Corée du Sud où Le Déserteur a été sélectionné. J’ai immédiatement avancé mon retour en Israël, mais 
avant de prendre l’avion j’ai assisté à la première projection du film avec un sentiment d’effroi. J’ai dû 
quitter la salle avant la fin tellement j’étais mal. Je croyais que je n’allais plus pouvoir accompagner 
le film après le massacre du Hamas et la guerre à Gaza. Mais deux mois plus tard, j’ai rencontré un 
de mes anciens étudiants revenu du champ de bataille, qui a vu le film durant sa permission. Il était 
très ému et m’a confié ceci : « Depuis mon retour de Gaza, j’ai le sentiment que Shlomi, c’est moi ». 
Cette réaction m’a fait beaucoup réfléchir, et je me dis que le film prend justement tout son sens dans 
le contexte actuel qui est si douloureux. J’imagine qu’à un moment où les sentiments nationalistes 
et patriotiques envahissent de plus en plus la société israélienne, je vais avoir droit à des réactions 
difficiles. Mais je crois qu’il est important que la voix que porte Le Déserteur soit entendue.

 « J’AI ÉCRIT LE FILM POUR ME CONFRONTER À CETTE RÉALITÉ REFOULÉE DE L’OCCUPATION »

Où et comment ont été tournées les scènes se déroulant dans la bande de Gaza ?

Elles ont été tournées à proximité de la frontière avec la Cisjordanie, du côté israélien, dans le village 
arabe de Qulansawe. Toutes les séquences mettant en scène Shlomi en train de courir dans un paysage
de ruines ont été créées digitalement. On a utilisé des modèles de vraies ruines du village de Beit 
Hanoun à Gaza, après que celui-ci a été bombardé par l’armée israélienne durant la guerre de 2014.
  
L’un des aspects frappants du film, c’est sa manière de montrer comment l’esprit militariste et nationaliste envahit le quotidien israélien, jusqu’à le dominer. Shlomi, votre héros, interprété par Ido Tako, continue à se comporter à Tel-Aviv comme s’il était encore à l’armée...

J’imaginais Shlomi comme un animal qui fuit un feu de forêt, mais dont le corps continue à brûler 
même après être arrivé en ville. Je voulais qu’il soit encore marqué, symboliquement, par les couleurs 
du camouflage, la sueur et la saleté de l’activité militaire, que la frontière entre l’existence militaire et 
la vie civile, entre la folie de l’armée et la « normalité » de Tel-Aviv s’estompe. Shlomi souhaite tourner le dos à la violence de l’armée, mais ce faisant il l’emporte avec lui en ville, et cette violence contamine tous ceux qui croisent son chemin. Le retour du refoulé se produit au moment même où nous nous 
croyons à l’abri : inévitablement, à 60 kilomètres de notre « normalité », la guerre fait toujours rage 
même si nous refusons de la voir.

Cet aspect se traduit aussi par une mise en scène très physique, qui écarte toute psychologie. Shlomi marche, court, parle comme un robot, comme s’il n’était pas capable de réfléchir sur ce qu’il est en train de faire.
 
Comment l’avez-vous dirigé ?

Mon acteur Ido Tako est un vrai virtuose. Avant le tournage, nous avons travaillé durant des mois sur 
le corps, sur l’apparence et la performance physique. Il s’est entraîné, il s’est musclé, il a appris les 
codes de l’exercice militaire avec un membre d’une unité du commando marin. En ce qui concerne le 
tournage, j’ai opté dans la mesure du possible pour un tournage en continu suivant la linéarité du récit 
afin d’épuiser mon acteur. Ido Tako n’a pas arrêté de courir durant les trente jours du tournage, en se 
reposant et en dormant très peu. Il s’est trouvé à la fin pratiquement dans le même état d’épuisement 
que le personnage de Shlomi. En tournant la dernière scène, j’ai eu l’impression qu’Ido avait beaucoup 
mûri depuis que je l’avais auditionné pour le rôle.  

Les gens que Shlomi croise durant sa fuite sont tellement embrigadés que, pour se protéger, il doit proférer les mêmes slogans nationalistes et militaristes...

Shlomi sait pertinemment qu’il n’a pas le choix et que, pour pouvoir se cacher, il doit continuer à se 
camoufler. Comme pendant les opérations militaires, il doit continuer à se maquiller, en affichant cette 
fois des couleurs nationalistes et patriotiques. Le film évolue dans cette zone intermédiaire entre la 
réalité destructrice de la guerre et le désir romantique du héros de la fuir, entre la réalité tragique et 
sa vision idéaliste. Je dirais que Shlomi aurait voulu être le héros d’un film de Frank Capra, mais qu’il 
finit par atterrir dans un film noir.

 « LE FILM ÉVOLUE DANSCETTE ZONE INTERMÉDIAIRE ENTRE LA RÉALITÉ  DESTRUCTRICE DE LA GUERRE ET LE DÉSIR ROMANTIQUE DU HÉROS DE LA FUIR »

En même temps, Shlomi a choisi de déserter non pas pour des raisons politiques, mais pour rejoindre son amoureuse. Pourquoi ?

Je vois les choses un peu différemment. Shlomi s’invente une narration romantique, un récit idéaliste 
de pureté et d’amour. Mais ce récit existe uniquement dans sa tête. Une fois qu’il commence à courir, 
son corps le porte comme un automate. Il arrive chez lui, ouvre le frigo et découvre des aliments en 
état de pourrissement. C’est à ce moment que, pour la première fois, son récit s’écroule devant le réel. 
Il doit alors s’inventer une nouvelle justification pour continuer sa cavale, et pour ce faire, il part à la 
rencontre de son amoureuse. Mais là encore, la porte finit par se refermer sur lui. Et ainsi de suite, 
jusqu’à ce qu’il se retrouve seul, comme un lonesome cowboy avec, à la place d’un cheval, un vélo. Il 
continue donc à errer dans ce paysage urbain qui est aussi un paysage mental reflétant le vide et le 
sentiment d‘aliénation du héros.

Le rythme du film est très rapide et traduit le comportement frénétique de Shlomi. Comment avez-vous travaillé ce motif ?

Le mouvement est une force de vie, mais aussi une force de résistance. Mon désir n’était pas d’élaborer 
une réflexion conceptuelle sur ce thème, mais que le film lui-même incarne le mouvement, devienne 
mouvement. Le Déserteur commence par une image statique et, à partir de la fuite du héros, il est 
dominé par l’action et le mouvement quasi permanents. Je voulais que l’on ressente la respiration de 
Shlomi, les battements de son cœur, son haleine. Je crois que l’énergie du film passe aussi à travers la 
musique composée par Yuval Semo, ce thème répété du Free Jazz qui évoque le cercle vicieux dans 
lequel le héros est enfermé. Comme s’il était sans cesse en train de courir après lui-même. Pour donner 
le sentiment d’urgence, on a enregistré la musique en live, notamment avec le batteur qui a improvisé 
sa composition devant les images du film.

« C’EST COMME SI SHLOMI ÉTAIT SANS CESSE EN TRAIN DE COURIR APRÈS LUI-MÊME »

Les touristes juifs français sont représentés d’une manière comique. Ils semblent naïfs dans leur vision idéalisée d’Israël, donnant l’impression d’être déconnectés de la réalité qui les entoure...

Effectivement. Je voulais les peindre un peu à la manière d’un Jacques Tati, et, par leur biais, donner par moment un aspect burlesque, ironique, à la fuite du héros. Je dois dire que même pour le personnage  de Shlomi, j’ai pensé à une figure comique, celle de Buster Keaton avec sa gestuelle robotique et automatique. Le visage froid et sans expression de Shlomi, mais qui révèle aussi une forme d’innocence, est inspiré lui aussi du visage de Keaton.

Il y a une forme d’ironie dans le fait que le seul personnage qui échappe à ce climat nationaliste est la grand mère de Shlomi qui, justement, souffre de démence...

Pour Shlomi, le seul refuge, le seul ilot de sainteté, c’est effectivement l’appartement de sa grand-mère, 
jouée par Tiki Dayan, une merveilleuse actrice. Mais il s’agit en fait d’un espace liminal, en dehors du 
temps, qui existe dans cette zone intermédiaire entre la réalité, la conscience et la mémoire. La grand
mère confond réalité et imaginaire (elle confond par exemple son compagnon et son père), comme 
si elle vivait déjà dans un songe. C’est seulement là, et après avoir écouté une chanson de Mercedes 
Sosa, que Shlomi se sent un peu apaisé et parvient à s’endormir. L’apaisement ne semble pouvoir aller 
de pair qu’avec un univers imaginaire, la réalité étant inévitablement tragique.

Ces dernières années, le cinéma israélien s’est éloigné des sujets politiques, entre autres à cause des pressions massives du gouvernement. Pensez-vous que votre film, ainsi que le choc du 7 octobre, pourraient annoncer le retour du politique au sein du cinéma national ?

J’aimerais bien y croire, j’aimerais bien.

Propos recueillis en février 2024

BIOGRAPHIE DE DANI ROSENBERG

Dani Rosenberg est diplômé de l'école de cinéma Sam Spiegel de Jérusalem. Son premier long métrage, La Mort du cinéma et de mon père aussi, était en sélection officielle au Festival de Cannes 2020 et au 
Festival du film de Jérusalem.
Ses courts métrages ont été présentés dans les grands festivals internationaux, notamment la Cinéfondation de Cannes, la Berlinale, Clermont-Ferrand, HotDocs et l'IDFA. Il a également créé des séries télévisées acclamées (Milk & Honey, adapté en Allemagne et en France), co-réalisé un documentaire (Zohar, the return) et, plus récemment, adapté God of Vengeance de Sholem Asch pour le célèbre théâtre Cameri de Tel-Aviv. Dani Rosenberg est également à l’origine de la série israélienne Johnny and the Knights of Galilee, dont Escort Boys sur Prime Video est l’adaptation. Le Déserteur est son deuxième long métrage.

2023 - Le Déserteur
2020 - La Mort du cinéma et de mon père aussi
2018 - Zohar, the return (co-réalisateur) -  Documentaire
2018 - Milk & Honey - Série télévisée
2015 - Johnny and the Knights of Galilee –  Série télévisée
2011 - Susya (co-réalisateur) - Court métrage
2008 - Homeland (Beit Avi) - Moyen métrage
2005 - Don Quixote in Jerusalem - Court métrage
2004 - The Red Toy - Court métrage
2003 - Fence - Court métrage

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