Director: Barbet Schroeder
Country: France, Switzerland
Year: 2017
Production companies: Les Films du Losange / Bande à Part Films
Producers: Lionel Baier, Margaret Ménégoz
Cinematography: Victoria Clay-Mendoza.
Music: Jorge Arriagada
Sound: Florian Eidenbenz, Georges Prat
Editing: Nelly Quettier.
Featuring: Ashin Wirathu, U. Zanitar, Kyaw Zayar Htun, U. Kaylar Sa, Matthew Smith, Abdul Rasheed, Carlos Sardiña-Galache
Narrators: Bulle Ogier, Maria de Medeiros, Barbet Schroeder.
Duration: 1.40
Languages: en, fr, es, my
In the presence of Barbet Schroeder hosted by Olaf Möller.
DCP of an English version viewed at the School, Midnight Sun Film Festival (MSFF), Sodankylä, 16 June 2018.
MSFF: "Barbet Schroeder’s latest film, The Venerable W., ends the director’s ”Trilogy of Evil” 43 years after a similarly-toned portrait of Idi Amin (1974). The massive time gap between the films shows that the director has had an eye for important and thrilling topics as well as obnoxious main characters throughout his long career."
"Schroeder’s documentary points its gaze at Myanmar and the conflict between Buddhist majority and Muslim minority there – an issue that has received far too little attention in the West. In this case, the film also takes a conscious step toward breaking stereotypical ideas about pacifist Buddhists and warmongering Muslims."
"The people of Myanmar are manipulated with ruthless propaganda that has confluences throughout world history. In fact, much of the film’s effect comes from its ability to display an ethnic hostility that should already be extinct in our modern day. The purpose of the propaganda in Myanmar is to turn the people against the Muslims of the country. The primary antagonist in this persecution is Buddhist monk and demagogue Ashin Wirathu through whom the documentary shows the shocking escalation of hate speech and racism. The film dismisses expectations, gives shivers, and ultimately leaves the viewer extremely upset. This is why the film is an important one and everyone should see it." (TET)
AA: An exceptional documentary film on the persecution of Muslims in Myanmar, focusing on the topical Rohingya persecution that started to escalate in 2016. The international community has called it "ethnic cleansing" and even "genocide".
Barbet Schroeder's film meets high standards of research and investigative journalism, with the topical accent of accessing a massive contemporary visual documentation available on the internet. 90% of the people of Myanmar are in Facebook. The social media presence there has exploded in three years.
The distinction of the film is that Schroeder has been able to conduct in extenso interviews with the mastermind of the current persecution, Ashin Wirathu. This is comparable to a situation where a Western liberal journalist would have have been permitted to conduct candid interviews with Hitler.
Schroeder's personal commitment to the tragedy stems from his lifelong study of Buddhism. Buddha and Spinoza for him are key philosophers against hate. Ashin Wirathu in his hate speeches represents the diametric opposite of this. The documentary records of Ashin Wirathu as a mass demagogue are as creepy as Triumph des Willens. Schroeder's mother is a German who left Germany in the 1930s and never spoke German again. (She is still alive.)
The scope and ethos of this film is epic. It is about the Rohingya persecution and equally it is about the perilous situation of the world in general. Hate speech, fake news and the internet are an inflammatory and potentially catastrophic combination.
Based on sober and balanced observations, Le vénérable W. grows into a shattering wake-up call. Good judgement has been used in presenting gruesome footage.
In the footage shot by the team for this film the technical quality of the new digital mini cameras and sound recorders is high. The compilation quality of much of the film is in the nature of things.
BEYOND THE JUMP BREAK: DATA FROM THE DOSSIER DE PRESSE:
BEYOND THE JUMP BREAK: DATA FROM THE DOSSIER DE PRESSE:
[copied from PDF, to be edited]
Synopsis
En Birmanie, le “Vénérable W.” est un moine bouddhiste très influent. Partir à sa rencontre, c’est se retrouver au coeur du racisme quotidien, et observer comment l’islamophobie et le discours
haineux se transforment en violence et en destruction. Pourtant nous sommes dans un pays où 90% de la population est bouddhiste, religion fondée sur un mode de vie pacifique, tolérant et non-violent.
BarBet Schroeder
(Propos recueillis par Emilie Bickerton)
L’ORIGINE DU FILM.
Pour moi, le bouddhisme est une religion athée, sans dieux, et qui permet le pessimisme. Cette pensée m’a toujours fasciné, au point qu’en 1961, à l’âge de 20 ans, j’ai entrepris un long voyage sur les lieux historiques du Bouddha jusqu’au Sri Lanka. Tout change et se transforme constamment : c’est l’une des idées fondatrices de la vision bouddhiste du monde. Le Bouddha a lui-même annoncé, de son vivant, la fin de sa propre doctrine : il a estimé que, 5000 ans plus tard, il n’en resterait plus rien... Aucun chef religieux n’a jamais eu ce courage. C’est peut-être pour cela que j’ai toujours considéré le bouddhisme comme l’un des trésors les plus précieux de l’Humanité.
L’idée de ce film a émergé après la relecture, il y a près de deux ans, de l’extraordinaire et incontournable Bouddha historique, de Hans Wolfgang Schumann, suivi par hasard du Rapport de la Faculté de Droit de l’Université de Yale, qui suppliait très officiellement les Nations Unies d’intervenir en Birmanie. Le texte énumérait tous les signes d’un début de génocide à l’encontre de la minorité musulmane des Rohingyas et incriminait plus précisément un mouvement de moines extrémistes. J’ai voulu en savoir plus.
Je suis donc parti sur place, dans la ville la plus bouddhiste du monde, Mandalay, qui compte plus de 300 000 moines pour 1 million d’habitants. Ces moines sont répartis dans des centaines de monastères à travers la ville. Ils suivent tous la tradition du Theravada, qui est
la plus proche du bouddhisme originel. Je ne suis pas le seul à penser le bouddhisme comme l’un des derniers remparts de l’Occident, et pour moi sans doute la dernière illusion, la seule religion qui a jusqu’à présent su éviter le fanatisme et l’extrémisme. L’idée bouddhiste a d’ailleurs pénétré tout l’Occident, depuis la découverte de ses textes traditionnels par quelques penseurs au milieu du XIXème siècle, parmi lesquels Schopenhauer (qui fut l’un des premiers à les découvrir, en 1814 lors de son séjour à Weimar chez Goethe et son cercle d’amis). La réputation
du bouddhisme s’est ensuite étendue en Europe, en s’accélérant jusqu’au délire au XXème
siècle dans toute l’Amérique du Nord et le monde occidental.
LA « TRILOGIE DU MAL ».
Je considère Le vénérable W. comme le dernier volet d’une “Trilogie du mal”, commencée avec Général Idi Amin Dada sur le dictateur ougandais (1974), puis L’Avocat de la terreur (2007) sur Jacques Vergès.
Le même point de départ est à l’origine de ces projets : il s’agit de rencontrer en les faisant parler sans les juger des personnages au travers desquels le mal peut s’incarner sous différents visages et en laissant l’horreur ou la vérité s’installer d’elles-mêmes petit à petit.
Lors d’une conversation l’écrivain de théâtre anglais Patrick Marber m’a demandé tout d’un coup : “Nous sommes maintenant au XXIème siècle, quel est d’après vous le thème le plus important qu’un dramaturge devrait aborder ?”
Je me souviens de lui avoir répondu sans hésiter : le mal. Il était très légèrement déçu par ma réponse, en me demandant si je ne pensais pas que Shakespeare avait déjà beaucoup couvert ce terrain-là. Pour moi, chaque époque voit naître ses propres manifestations du mal, c’est pourquoi le thème est inépuisable, inséparable de l’humanité, particulièrement pour le 20ème siècle, parler du 21ème qui a l’air de vouloir faire de la haine et du mensonge des sujets incontournables.
Donner un troisième volet à cette trilogie du mal était une obsession depuis longtemps. Dès la fin du tournage d’Amin Dada deux projets ont été très avancés et très près d’aboutir. Le premier aurait été sur les Khmers Rouges, sur la dictature de l’utopie, en opposition à celle plus traditionnelle d’Amin Dada. Ceux qui restaient des Khmers rouges étaient assiégés par les Vietnamiens, ils étaient sur le point d’être exterminés et très souvent bombardés. L’idée était d’aller les rejoindre et de demander des entretiens à tous les chefs Khmers rouges qui étaient encore là autour de Pol Pot. À travers des intermédiaires, on m’avait assuré qu’ils auraient tous accepté car je m’étais engagé à ne jamais parler de leurs années au pouvoir mais uniquement de leurs années d’université à Paris, de leurs influences, leurs rêves anticolonialistes, de leurs cafés du quartier latin, etc. Le film allait de plus être tourné entièrement et parlé uniquement en Français.
Le film n’a pas abouti. J’avais pourtant trouvé la moitié du financement auprès d’un très riche Anglais. Mais je n’ai pas convaincu la TV française et ce n’est qu’à la victoire des Vietnamiens que j’ai fini par définitivement abandonner ce projet auquel je tenais plus que tout, car il aurait montré un mal absolu sous ses meilleures intentions utopiques.
L’autre projet assez avancé était sur Lopez Rega, sorcier, magicien et chef des escadrons de la mort en Argentine. Il était l’acolyte d’Isabelita Péron, tous deux avaient donné leur accord. En fait il s’agissait pour moi d’un documentaire à quatre personnages dans lequel les deux personnages
vivants faisaient un écho caricatural à Juan et Evita Perón, évoqués à travers les extraordinaires images d’actualités de leur période au pouvoir qui avait peuplé mon enfance en Colombie. Le film aurait examiné comment le mal utilisait le mythe d’Evita et la sorcellerie pour inspirer les
Escadrons de la mort.
Évidemment avec Le Vénérable W. la donne était différente puisqu’il était question du possible premier génocide du XXIème siècle. Je ne pouvais pas laisser selon mon habitude le spectateur découvrir seul les outrances cachées ou calculées de Wirathu. Il était donc impossible
de ne pas évoquer aussi le point de vue des victimes Rohingya à l’aide des extraordinaires archives modernes auxquelles j’ai eu accès. Il fallait aussi faire intervenir une autre parole bouddhiste, à travers deux moines de la même génération que Wirathu, mais qui lui sont
idéologiquement opposés.
COMMENT S’EST FAIT LE FILM.
Après plus de six mois d’intenses recherches approfondies dans le secret le plus absolu, nous avons pris des visas de touristes et des billets à prix réduit. Une fois sur place, après avoir établi une base dans un hôtel modeste j’ai fini par réussir à rencontrer Wirathu et lui proposer cette aventure. Il voulait savoir pourquoi je voulais faire ce film, je lui ai répondu que Marine Le Pen partageait beaucoup de ses idées, et que si elle arrivait au pouvoir elle ferait sans doute appliquer des lois semblables à celles qu’il venait d’arriver à faire voter dans son pays. En fait la réponse que j’avais donnée à Wirathu était assez proche de la vérité car c’était en effet
des problèmes occidentaux dont je voulais aussi parler, en approchant un personnage dont le bouddhisme était en fait avant tout nationaliste et populiste. Une fois sur place j’ai donc compris que nous avions beaucoup à apprendre des bouddhistes extrémistes. Les “axes du mal”
et les populismes n’ont pas de frontières...
Je voulais comprendre comment ce genre de paroles provoquaient des passages à l’acte alors que ceux qui les prononçaient avaient souvent un discours de paix et d’harmonie.
Toutes les religions ont une face claire qui prêche la paix et la bienveillance, mais la sagesse du Bouddhisme à cet égard est inégalable et augmente notre perplexité. L’ image de la braise rougeoyante deviendra l’une des images clefs du film et montre comment les paroles de haine après une période d’incubation peuvent, à la moindre étincelle, déboucher sur des émeutes où sont incendiés des quartiers musulmans tout entiers et leurs mosquées transformées en ruines.
Cette partie du film a été réalisée grâce à des images prises au cours des émeutes et où l’on peut constater que l’armée ou la police sont souvent là, mais n’interviennent pas. Il est difficile de ne pas faire des analogies avec le phénomène des “pogroms” de Russie, de Pologne, d’Allemagne et d’ailleurs. Cette non intervention est l’une des constantes de tous les pogroms et il faut bien en conclure que le pouvoir malgré ses dénégations doit bien finir par y trouver un avantage.Plus j’avançais dans ce projet, plus je me sentais comme un lièvre pris dans le feu croisé de multiples parties de chasse, à la fois simultanées et antagonistes les unes des autres. Ils avaient tous de très bonnes raisons pour empêcher le film de se faire :
• Il y avait d’abord le pouvoir, partagé entre deux sous-groupes, les Militaires pour lesquels W. avait fait campagne, et son ennemie mortelle Aung San Suu Kyi qui a été rapidement dépassée par la situation et a fini, surtout après le 9 octobre 2016, par défendre sans retenue les exactions des Militaires allant jusqu’à qualifier de “Fake Rape” leur utilisation systématique de l’arme du viol, pourtant analysée en détail dès 2002 par les rapports des SWAN, Shan Women Action Networks et en 2017 par de très sérieux journalistes.
• Il y avait aussi, sur le terrain, les bouddhistes extrémistes opposés aux musulmans continuant d’organiser leur mouvement Ma Ba Ta en essayant, peut-être avec l’aide des Militaires, de devenir les arbitres de l’échiquier politique du pays.
La situation est devenue intenable quand nous nous sommes rendus compte que l’influence modératrice de Aung San Suu Kyi avait disparu et que les Militaires décidaient à nouveau de tout et s’apprêtaient à s’occuper sérieusement de nous après avoir constitué un dossier incluant des photos de notre tournage clandestin dans tous les endroits musulmans que nous avions filmés. Ils étaient aussi au courant de toutes nos visites à Wirathu. Nous sommes sortis du pays in extremis. Mais nous n’avions pas encore vraiment compris la gravité de la situation. Nous étions persuadés de pouvoir revenir un ou deux mois plus tard après avoir obtenu des visas
de journalistes. À tel point que nous avions laissé sur place deux malles en fer avec beaucoup de ce que nous avions besoin pour le 2ème tournage. Il a fallu déchanter, un ordre venant directement du sommet, pour le porte-parole de Aung San Suu Kyi nous interdisait
dorénavant l’entrée du pays jusqu’à nouvel ordre. Pour pouvoir terminer un film déjà bien avancé nous avons donc dû organiser la deuxième partie du tournage à partir de la Thaïlande voisine. Il restait quand même une dizaine de personnes qui devaient absolument intervenir dans le film. Nous les avons ou fait venir à Bangkok ou rencontrés dans des zones frontalières de jungle peu fréquentées. Le montage a lui aussi été palpitant puisque nous étions confrontés à une situation extrêmement changeante. Il fallait chaque jour nous répéter le mantra afin de ne pas perdre notre direction et notre concentration dans le tourbillon de nouvelles birmanes, en continuant de rechercher par exemple des preuves convaincantes et irréfutables de la collusion entre les Militaires et Wirathu.
Personne n’y était arrivé sauf Andrew Marshall pour Reuters, avec la découverte du personnage de Kyaw Lwin, l’inventeur du concept 969, qui a malheureusement très peu rencontré W., peut-être même une seule fois en 1992, avant que Kyaw Lwin ne quitte son poste moins d’un an après avoir été nommé en charge des affaires religieuses par les Militaires. Nous avons dû abandonner cette piste comme beaucoup d’autres après des mois de travail.
L’un des pièges de ce projet était aussi de ne pas finir par faire un film sur les Rohingyas. Vu l’urgence de la situation c’était pratiquement inévitable, mais j’ai toujours voulu recadrer ce problème à l’intérieur d’une haine générale pour le monde musulman et des dangers
que cela pouvait représenter dans n’importe quel pays. Il fallait aussi trouver une fin à cette histoire qui avançait et continue d’avancer comme un toboggan. La fin avec Daw Aung San Suu Kyi et l’intervention du monde musulman m’ont paru une fin provisoire intéressante.
LA FORME.
J’ai été extraordinairement aidé par ma complice Nelly Quettier au montage. Nous avions déjà vécu une belle aventure auparavant : L’Avocat de la terreur. Le Vénérable W. 10 ans plus tard bénéficie d’un nombre incalculable de progrès techniques en commençant par
la petite caméra Sony AS7 4k (deux fois la résolution d’un film de cinéma) dont je dis qu’elle crée la beauté en permettant de tout tourner, toujours en lumière naturelle même si c’est le clair de lune ! La plus grande partie de l’action du film se déroule à partir de 2012 et c’est aussi à ce moment-là que les iPhone ont commencé à avoir une qualité compatible avec le grand écran. Nous avons pu ainsi accéder à de nombreux tournages amateurs correspondant aux incidents de cette époque. En 2003, au contraire il n’y avait pratiquement pas d’images pour la première grande émeute dans laquelle Wirathu a eu un vrai rôle, dans sa ville natale de Kyaukse, et pour
laquelle il a été emprisonné jusqu’en 2012. Nous avons très vite décidé d’intégrer au film de très nombreux types de matériel même s’ils étaient de très mauvaise qualité, pris sur YouTube ou Facebook. La gageure du film était de ne connaître ni la langue ni l’écriture et de dépendre d’un réseau d’interprètes dans plusieurs pays pour savoir ce qui était dit dans les centaines d’heures de matériel auxquelles nous avions eu accès par de nombreuses sources. Il a fallu aussi que nous arrivions à comprendre les complexités d’un pays que nous devions découvrir. Tout cela était absolument passionnant mais les neuf mois de montage nous ont paru à peine suffisants.
LE DOCUMENTAIRE.
Depuis le début il a toujours été pour moi intimement lié au cinéma. Tous mes films de fiction sont “documentés” et je recherche toujours les ressorts dramatiques de la narration et des personnages de mes documentaires, Je ne peux pas concevoir un film de fiction sans avoir
une première impression documentaire pour me soutenir, ce qui me rend totalement incapable par exemple de concevoir la réalisation d’un film historique en costumes. Je ne peux pas non plus m’empêcher de voir tous les éléments d’un documentaire sous un angle dramaturgique et la narration come une succession de plans qui elle aussi ménage les effets de surprise, ou de suspens. Le cinéma reste pour moi un art dramatique. Qu’il soit documentaire ou pas.
LA MUSIQUE.
J’ai travaillé avec mon ami Jorge Arriagada, qui avait composé les musiques de L’ Avocat de la terreur, Inju et La vierge des tueurs. Nous avons eu une approche semblable à celle utilisée dans les films de fiction en cherchant à faire remonter à la surface des associations d’idées non
dites. Par exemple, la musique souligne le lien qu’il peut y avoir entre l’enfant qui regarde les affiches effrayantes que Wirathu a placé devant ses bureaux, et l’enseignement qu’il donne à des foules d’enfants. Ou encore le souvenir d’un viol dont W. a été témoin à l’âge de 11 ans peut
devenir ainsi à travers la musique, l’une des explications possibles de ses obsessions.
Nous avons aussi employé à plusieurs reprises deux chansons joyeuses faisant partie de la propagande des mouvements extrémistes, et c’est seulement à la toute fin du film que nous en révélons les terribles paroles, en contraste total avec le Méta Sutta, l’un des chants récités les plus essentiels du bouddhisme Theravada dont la mélodie ou les paroles en langue Pali reviennent à plusieurs reprises dans le film :
« Ye keci pâna-bhûtatthi, tasâ vâ thâvarâ vanavasesâ;
dîghâ vâ ye va mahantâ, majjhimâ rassakâ anuka thûlâ.
Quelque soient les êtres vivants :
faibles ou forts, longs, grands, moyens, courts, petits ou gros
Ditthâ vâ ye va aditthâ, ye va dûre vasanti avidûre;
bhûtâ va sambhavesî va, sabba-satta bhavantu sukhitattâ.
Visibles ou invisibles, proches ou lointains, nés ou à naître ;
puissent tous les êtres sans exception être heureux
Na paro param nikubbetha, nâtimaññetha katthaci na kiñci;
byârosanâ patighasaññânâ ññama-ññassa dukkhamiccheyya.
Que personne ne déçoive ni ne méprise qui que ce soit, nulle part.
Que personne ne souhaite le mal aux autres par colère ou malveillance
Mâtâ yathâ niyam puttam, âyusâ ekaputta-manurakkhe;
evampi sabbabhûtesu; mânasam bhâvaye aparimânam.
Comme une mère protègerait son unique enfant au risque de sa propre vie,
cultivons un amour sans limite envers tous les êtres
Mettañca sabbalokasmi, mânasam bhâvaye aparimânam;
uddham adho ca tiriyañca, asambâdham averamasapattam.
Que ces pensées d’amour inf¡ni imprègnent le monde tout entier,
dessus, dessous, de toutes parts, sans obstacle, sans haine ni inimitié
Tittham caram nisinno va, sayâno yâvatâssa vitamiddho;
etam satim adhittheyya, brahmametam vihâra-midhamâhu.
Qu’il soit debout, en marche, assis ou allongé, tant qu’il est éveillé,
il devrait développer un esprit empli d’amour bienveillant.
Ceci est l’état le plus noble
Ditthiñca anupaggamma, sîlavâ dassanena sampanno;
kâmesu vineyya gedham, na hi jâtuggabbhaseyya puna-reti ti.
N’ayant pas de fausses croyances, étant vertueux, doté de la vision
pénétrante et ayant abandonné l’attachement pour les plaisirs des sens,
plus jamais il ne renaîtra dans ce monde
Mettâ-suttam nitthitam. »
Ici se termine le Metta sutta
chronoloGie
❖
JANVIER 1948 : La Birmanie devient un État indépendant après plus de soixante ans
d’occupation coloniale britannique. Une démocratie parlementaire est mise en place.
❖
2 MARS 1962: Coup d’état militaire – le général Ne Win s’installe à la tête du pays.
Instauration d’une junte militaire.
❖
10 JUILLET 1968: Naissance de Wiseitta Biwuntha (Ashin Wirathu) à Kyaukse, dans la
région de Mandalay.
❖
6 FÉVRIER 1978: Début de l’opération “King Dragon” dans le village de Sakkipara dans
l’état d’Arakan. Arrestations en masse de musulmans, torture, exécutions, en trois mois plus de
200 000 Rohingyas fuient le pays pour le Bangladesh.
❖
1979: Suite à une plainte des pays musulmans à l’ONU, et en particulier du Bangladesh, le HCR (Haut-Commissariat aux réfugiés) lance l’opération « Oiseau doré » qui oblige le gouvernement birman à accepter le rapatriement des réfugiés.
❖
1982: Les Rohingyas sont tous déchus de la nationalité birmane et privés de leurs droits.
❖
1982: Âgé de 14 ans, Ashin Wirathu entre au monastère de Kyaukse.
❖
1988: Des mouvements pacifiques de protestation populaire demandent la démocratie.
❖
23 JUILLET 1988: Le général Ne Win démissionne.
❖
18 SEPTEMBRE 1988: Un coup d’état militaire met en place une nouvelle junte : le Conseil d’Etat pour la restauration de la Loi et de l’Ordre. La répression qui s’en suit fait des milliers de morts.
❖
1989: Aung San Suu Kyi est assignée à résidence.
❖
27 MAI 1990: Les élections législatives sont très largement remportées par le parti d’Aung San Suu Kyi, la Ligue Nationale pour la Démocratie. La junte fait alors annuler les élections.
❖
1990: Aung San Suu Kyi reçoit le prix Nobel de la paix.
❖
1991: Mise en place par la junte du Bureau pour la promotion et la propagation du Sasana chargé de promouvoir une identité birmane bouddhiste.
❖
1991 : À 23 ans, Ashin Wirathu devient moine au monastère de Ma Soe Yein à Mandalay.
❖
JUILLET 1991: Lancement de l’opération gouvernementale « Clean and beautiful nation » contre les populations Rohingyas.
❖
1991-1992: Nouvel exode massif de Rohingyas qui fuient le travail forcé, les persécutions et les exécutions sommaires. Plus de 250 000 personnes fuient au Bangladesh, où ils sont parqués dans des camps au sud-est du pays.
❖
AVRIL 1992: Après l’élan initial de solidarité bangladais, le gouvernement demande l’aide du HCR pour organiser le rapatriement en Birmanie des réfugiés.
❖
DE SEPTEMBRE 1992 À JANVIER 1993: 15 000 réfugiés sont forcés de retourner en Birmanie, sans aucune protection.
❖
JUILLET 1995: Aung San Suu Kyi est placée sous liberté conditionnelle.
❖
1997: Fin des rapatriements massifs du Bangladesh à la Birmanie.
❖
1999: À partir de la numérologie, U Kyaw Lwin crée le concept « 969 », qui doit incarner la culture et l’identité bouddhiste.
❖
SEPTEMBRE 2000: Aung San Suu Kyi et les membres de la direction de la LND sont de nouveau assignés à résidence.
❖
2001: Ashin Wirathu reprend l’idée de 969 et en fait un mouvement dont il prend la tête. Il commence à donner ses sermons islamophobes.
❖
MAI 2002 : Les restrictions aux déplacements et aux activités d’Aung San Suu Kyi sont levées.
❖
MAI 2003: Aung San Suu Kyi est de nouveau arrêtée puis assignée à résidence.
❖
19 OCTOBRE 2003: À Kyaukse, des émeutes antimusulmanes font une dizaine de morts et s’étendent à d’autres villes du pays. La junte militaire impose un couvre-feu aux moines bouddhistes de Kyaukse. 11 morts, 2 mosquées détruites, 2 magasins et 26 maisons incendiées.
❖
2003: Ashin Wirathu est condamné à 25 ans de prison pour incitation à la haine et au confflit religieux.
❖
15 AOÛT 2007: Le gouvernement augmente le coût des hydrocarbures.
❖
19 AOÛT 2007: Début de la Révolution de safran. La population réclame la baisse des prix. Les manifestations éclatent à Rangoon et se répandent dans tout le pays. Les moines défilent aux côtés de la population.
❖
26 SEPTEMBRE 2007: Les forces armées prennent le contrôle des monastères et interviennent contre les manifestants à Rangoon faisant au moins quatre morts.
❖
AVRIL 2008: La junte publie un projet de Constitution en vue d’une démocratisation du pays. Il prévoit qu’un quart des sièges du Parlement sera réservé à des officiers désignés par l’armée et rend Aung San Suu Kyi inéligible à la présidence.
❖
7 NOVEMBRE 2010: Après 22 ans, des élections sont organisées par la junte. Un parlement bicaméral et 14 assemblées sont élus.
❖
13 NOVEMBRE 2010: Aung San Suu Kyi est libérée de son assignation à résidence.
❖
4 FÉVRIER 2011 : Thein Sein, du parti de l’union, de la solidarité et du développement, est élu président de la République. La junte est dissoute.
❖
JANVIER 2012: Ashin Wirathu est libéré lors d’une amnistie générale.
❖
2012: Ashin Wirathu lance le programme « Gana Wasaka Sangha », catéchisme du mouvement 969 qui doit être répandu dans tout le pays, ainsi qu’une campagne de boycott de grande ampleur des magasins musulmans.
❖
28 MAI 2012: Viol et meurtre d’une jeune birmane bouddhiste par trois musulmans.
❖
3 JUIN 2012: En Arakan, suite au viol de la jeune bouddhiste, 10 pèlerins musulmans sont tués par des bouddhistes dans le bus qui les ramenait à Rangoon.
❖
5 JUIN 2012: Manifestation, devant la mosquée de Rangoon, de musulmans brandissant les photos des 10 pèlerins assassinés. Aung San Suu Kyi reçoit les manifestants et annonce qu’elle les a calmés.
❖
8 JUIN 2012: Émeute à la sortie de la mosquée de Maungdaw. Plusieurs villages sont incendiés faisant 7 morts et environ 500 maisons détruites.
❖
JUIN 2012: L’état d’urgence est proclamé.
❖
12 AU 13 JUIN 2012: Émeutes bouddhistes à Sittwe qui font 21 morts.
❖
28 JUIN 2012: Le bilan depuis le début des violences est de 80 morts, 100 000 déplacés et 4200 maisons brûlées.
❖
SEPTEMBRE 2012: Ashin Wirathu et ses partisans manifestent à Mandalay pour soutenir le discours du président Thein Sein qui considère les Rohingyas comme des illégaux bangladais qui ne relèvent pas de la responsabilité birmane.
❖
OCTOBRE 2012: 2ème vague de violences en Arakan affectant la majorité de la région de l’état de Rakhine et dont les principales victimes sont les musulmans Rohingya.
❖
À PARTIR DE NOVEMBRE 2012: Wirathu va donner des sermons dans tout le pays au rythme de 15 par mois contenant tous des tirades antimusulmanes.
❖
20 MARS 2013: À Meitkila, ville centrale contenant 30% de musulmans mais dépourvue de Rohingyas, les violences durent pendant 3 jours et font 40 morts.
❖
25 MARS 2013: Les violences s’étendent aux villes centrales le long de la route de Meiktila à Rangoon d’Othekone, Tatkone et Yamenthin. 9 000 personnes doivent fuir.
dernièreS nouvelleS de Wirathu : ÉvènementS depuiS la fin du montaGe imaGe le 1er janvier 2017
❖
30 JANVIER 2017 : Ashin Wirathu salue l’assassinat et remercie les suspects arrêtés. D’après le prestigieux et courageux journaliste Ko Swe Win qui mène l’enquête :
• Le commanditaire présumé du meurtre, le Lieutenant Lin Zaw Htun etait proche de Wirathu
• Le “cerveau” de l’opération, Captain Zeya Phyo, était proche de Ma Ba Tha.
Des amis de Wirathu attaquent le journaliste en justice en le menaçant, avec ce qui ressemble à l’appui des militaires, de trois ans de prison. Plus de 40 000 signatures sont ensuite recueillies dans une pétition pour intenter une action contre le journaliste Ko Swe Win.
❖
10 MARS 2017 : Le conseil des moines officiel, la Shangha (organisme gouvernemental) interdit à Wirathu de prêcher pendant un an. S’il ne respecte pas l’ordre il sera poursuivi en justice.
❖
11 MARS 2017 : Wirathu commence à faire des prêches “silencieux” pendant lesquels il est assis avec une croix de sparadrap sur la bouche devant des foules de centaines de personnes qui écoutent l’un de ses anciens sermons provenant d’un magnétophone posé à côté de lui. Une épreuve de force entre Wirathu et la LND, parti de Aung San Suu Kyi, se met en place.
❖
1er AVRIL 2017: Aung San Suu Kyi rejette l’enquête de l’ONU sur les Rohingyas.
❖
2 AVRIL 2017 : Frontier Magazine titre : “LE GOUVERNEMENT PEUT-IL FAIRE FACE AU CHALLENGE POSÉ PAR MA BA TA ?... Quelques moines nationalistes extrêmes rêvent d’un scénario dans lequel leurs discours de haine antimusulmans pourraient créer un confflit sectaire massif qui entraînerait le pouvoir militaire à mettre fin à la transition vers la démocratie.”
❖
2 AVRIL 2017 : La LND remporte les élections législatives partielles.
❖
4 AVRIL 2017 : L’ONU dénonce un “crime contre l’humanité” en parlant des Rohingyas en Arakan.
❖
6 AVRIL 2017 : Aung San Suu Kyi répond en démentant tout nettoyage ethnique dans l’État d’Arakan et préfère parler “d’hostilités”. L’assassin au moment où il s’apprête à tirer, photo certainement prise par les commanditaires du meurtre qui sont partis en abandonnant le meurtrier sur place. La photo a été mise sur Facebook dans l’heure qui suit.
❖
29 JANVIER 2017 : U Ko Ni le prestigieux avocat musulman de Daw Aung San Suu Kyi et de son parti le NLD est tué d’une balle dans la tête à l’aéroport alors qu’il tenait son petit-fils dans les bras. U Ko Ni était en train de concevoir une stratégie pour modifier la loi constitutionnelle qui donne un avantage aux militaires.
☛
Pour le maximum de détails sur ce meurtre :
http://hlaoo1980.blogspot.fr/2017/03/buddhist-nationalism-intense-muslim.html
☛
Lien vers toute la documentation utilisée pour le film :
https://www.dropbox.com/sh/whx0vuzg0r5ubux/AACtbFbvSoaeaclExeOD_nxUa?dl=0
leS intervenantS
(par ordre d’apparition)
MATTHEW SMITH
Avant de créer et de diriger l’organisation des droits de l’homme Fortify Rights, il rédige de 2011
à 2013 d’importants rapports sur la Birmanie pour Human Rights Watch. Il écrit aussi des éditoriaux
pour le New York Times et pour divers journaux de langue anglaise.
ABDUL RASHEED
Si les choses avaient suivi leur cours normal, il serait certainement l’un des rares Rohingyas à siéger à l’Assemblée nationale du pays. Mais Aung Suu Kyi a veillé à ce qu’aucun musulman ne puisse se présenter aux dernières élections.
CARLOS SARDIÑA GALACHE
Journaliste espagnol, il suit sur place l’actualité birmane de très près depuis cinq ans. Son travail
est paru dans divers médias allant de El Diario, Al Jazeera à Vice magazine.
KYAW ZAYAR HTUN
Directeur d’une des rares revues d’investigation de Birmanie. Auteur du livre « Wirathu contre le Monde ».
U. GALONNI
Galonni est un moine hautement vénéré, notamment pour avoir risqué la peine de mort en
accordant son soutien à des paysans privés de leurs terres. Il a passé 20 ans en prison, soumis aux tortures et aux travaux forcés.
U. ZANITAR
Il est le Maître de Wirathu. Tous deux sont d’accord pour dire que le Maître est totalement innocent et que c’est l’élève Wirathu seul qui a contribué à la préparation des émeutes de Kyauske en 2003 pour lesquelles ils ont tous deux été emprisonnés
U. KAYLAR SA
Il a participé à la révolution de 1988. Il est ensuite emprisonné à deux reprises. Une
fois libéré, il fait partie des cinq leaders de la révolution Safran de 2007.
No comments:
Post a Comment